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06/07/2013

 L'encyclique, la "révolution" et la "contre-révolution" 

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Joseph de Maistre donne tort aux "contre-révolutionnaires " à la remorque des médias :

 

 

 


J'écoutais ce matin les journaux du service public. Pour eux, pas de problème : "le pape François publie une encyclique contre le mariage gay." Mais ce n'est pas le sujet de l'encyclique ! "Et alors ?", diront les médias : "c'est nous, non le pape, qui disons aux foules quel est le sujet d'une encyclique..." Et les foules auront l'impression que ces papes ne parlent que d'histoires de gays ; comme autrefois ils ne parlaient que de préservatif. Mais ils parlaient très peu de préservatif ! "Et alors ?", etc. C'est le bruit de fond.

Le problème est qu'une partie des "papistes" participent à ce bruit de fond. Le premier réflexe de sites catholiques français, hier, fut de se précipiter sur le texte de Lumen fidei pour trouver les quelques lignes (sur plus de 90 pages) qui rappellent que chez les créatures humaines la famille repose sur le couple homme-femme... Ce faisant, ces sites "ultra-papistes" ont cédé au même tropisme que France Info et France Inter – au lieu de faire le contraire, c'est-à-dire de résumer pour leurs lecteurs l'objet de cette remarquable encyclique. Elle répond en effet, clairement et pédagogiquement, au problème de l'Europe en 2013 (l'évaporation de la foi), en analysant les causes spirituelles et sociologiques de cette évaporation ; et en exposant, avec une précision et une richesse lumineuses, la nouveauté de la foi chrétienne reçue de Dieu.

Cette nouveauté de la foi est permanente, donc "révolutionnaire" comme dit le pape François. En ce sens tout chrétien croyant est révolutionnaire. Il sera donc révolutionnaire aussi (par surabondance de foi) face aux idoles de la société, qui sont économiques au XXIe siècle.

Le mot « révolution » a plusieurs sens :

> dans l'acception de François, il désigne une rupture d'avec les idoles : spirituelles, intellectuelles et économiques. Au § 13 de l'encyclique, le pape reprend la formule du rabbin cité par Martin Buber [1] : il y a idolâtrie "quand un visage se tourne respectueusement vers un visage qui n’est pas un visage". C'est un diagnostic sur notre société technoïde et mercantile. Mais pas seulement... C'est aussi la condamnation de toute attitude clanique, même opposée à cette société ! Tout clan est un faux visage. Même si certaines tribus déclarent combattre la société ambiante, de leur part c'est idolâtrie contre idolâtrie : l'idolâtrie de soi (wir sind uns) contre l'idolâtrie technoïde et mercantile. La religion elle-même peut être utilisée comme une idole si l'on prétend "faire la volonté de Dieu, que Dieu le veuille ou non" [2]  : définition même du manque de foi, c'est-à-dire du manque de confiance et de lâcher-prise... Lisons  la suite de ce passage de l'encyclique : Au lieu de la foi en Dieu on préfère adorer l’idole, dont on peut fixer le visage, dont l’origine est connue parce qu’elle est notre oeuvre. Devant l’idole on ne court pas le risque d’un appel qui fasse sortir de ses propres sécurités, parce que les idoles « ont une bouche et ne parlent pas » (Ps 115, 5). Nous comprenons alors que l’idole est un prétexte pour se placer soi-même au centre de la réalité, dans l’adoration de l’oeuvre de ses propres mains." Chaque chrétien connaît cette tentation : le tout est de ne pas y céder. La révolution permanente du christianisme pour chaque chrétien, c'est de se laisser sans cesse détourner – par Dieu – de ses réflexes claniques. [3]

> Le mot "révolution" a eu un autre sens. C'était il y a deux cents ans. Sous le choc de 1793-1794, Joseph de Maistre érigeait ce concept (révolution) en entité métaphysique : une entreprise quasi-surnaturelle de destruction du réel et de la condition humaine. Il en déduisait logiquement [4] qu'une "contre-révolution" ne doit pas être une "révolution contraire" mais "le contraire de la révolution" : c'est-à-dire le contraire des processus de déréalisation, voire de dé-création. Et de désinformation, pourrait-on ajouter en 2013 : ce qui nous ramène au bruit de fond dont les médias accompagnent notamment l'encyclique. Et au devoir absolu, pour les catholiques, de se libérer de ce bruit de fond ; à plus forte raison de ne pas y prendre part.

Je dis ça pour ceux qui (en 2013) tiennent encore Maistre pour un prophète, mais sont à la remorque des médias et se contentent de surréagir à la désinformation, aggravant ainsi – un peu plus –  le chaos mental ambiant. Des radios critiquent Lumen Fidei en la réduisant à ses trois lignes sur le couple naturel ? La bonne riposte ne consiste pas à réduire aussi Lumen fidei à ces trois lignes pour les applaudir. Ni à faire un catalogue de méchants penseurs que l'encyclique est censée épingler, alors que son propos vise à tout autre chose ! La bonne riposte consiste à faire connaître à tous  l'essentiel (le message vital) de l'encyclique. Commençons par la lire in extenso. C'est la moindre des choses.


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[1] Passage que les sites ultras ne citent pas.

[2] Célèbre et cruelle formule d'André Frossard.

[3] C'est ce que fait comprendre le message de la CEF. Une tribu s'en est irritée au point d'aller manifester devant la maison des évêques à Paris.

[4] Considérations sur la France (1796), aux quatre dernières lignes du chapitre X.

  

Commentaires

L'ANALYSE DE MATTHIEU GRIMPRET

> Je m'aperçois que Matthieu Grimpret (aujourd'hui maître de conférences à Sciences Po) a évoqué Maistre à propos de LMPT, dans une tribune libre de mai dernier - en ligne sur Le Monde.fr ; texte qui soulève inévitablement des discussions dans le public des manifestants :

" Si l'on en juge par leurs éléments de langage, les hérauts du camp conservateur et patrimonialiste sont persuadés qu'un "contre Mai-68" est à portée de main. Les différentes "Manif pour tous", dont on ne peut nier le succès, les confortent dans une telle intuition. Pour en accélérer le déclenchement, ils entendent s'appuyer sur la "forfaiture" de la loi Taubira, qui ouvre le mariage aux personnes de même sexe. Certes, en apparence, cette loi signe leur échec ; mais, en réalité, elle est pour eux une "divine surprise". Un "changement de civilisation" opéré sur mesure au profit d'une "caste de marginaux". Pouvait-on rêver meilleure goutte d'eau pour faire déborder le vase de la colère populaire ? Sur le papier, le plan semble redoutable. Dans les faits, les barricades ne sont pas pour demain.

Quand on lui demandait en quoi consistait son opposition à la Révolution française, Joseph de Maistre répondait que "la contre-révolution, ce n'est pas une Révolution contraire, c'est le contraire de la Révolution." Ce disant, il ne formulait pas un vœu de militant mais une observation d'historien-philosophe. Et, en effet, on peut à bon droit estimer que les ennemis de la Révolution ont toujours échoué parce qu'ils n'ont jamais accepté – ou parce qu'ils n'avaient ni le cœur ni l'intelligence – de mener une Révolution contraire. De même, mutatis mutandis, s'il est peu probable qu'un contre-Mai 68 survienne jamais, c'est parce que ses protagonistes potentiels ne veulent pas mener le contraire de Mai 68, mais un Mai 68 contraire : le même Mai 68, mais vers la droite plutôt que vers la gauche.

Or, que fut Mai 68, entre autres choses ? Une explosion, c'est-à-dire le phénomène qui se produit quand on inflige trop de pression à un vase clos. En mai 68, le "on", c'était le passé et ses mandarins ; la "pression", les inhibitions individuelles et collectives ; le "vase clos", la société trop rigide, singulièrement aux yeux de ses particules les plus exposées, la jeunesse.

Qu'en serait-il, en 2013 ? Les conditions sont-elles réunies pour un Mai 68 contraire, pour la même explosion qu'il y a quarante-cinq ans, mais dans l'autre sens ?
Les mandarins, il y en a. Souvent, d'ailleurs, les contre-mandarins d'hier sont ceux d'aujourd'hui.
Et la pression sociale ? Comment s'exerce-t-elle ? Existe-t-elle toujours ? En réalité, l'éthos est mort, le bon comme le mauvais, le rouge comme le blanc. Même Christian Vanneste n'ose plus affirmer, à la suite de Pie XII, que "le bien ou le mal des âmes découle de la forme donnée à la société". L'époque n'est plus aux sociétés "moulées", aux structures mentales intangibles et aux valeurs universelles – pas plus celles de Mai 68 que les autres. Et pour cause : Mai 68 est un événement apophatique. En survenant, il se nie. Saint Augustin nous l'a enseigné au IVème siècle : les fumées de Satan n'existent que lorsqu'elles ont quelque récipient à envahir.
Et cela nous conduit à notre troisième élément : la société. L'esprit de Mai 68 ne peut pas remplir le vase clos, car Mai 68 a précisément brisé le vase clos (en vérité déjà bien fissuré). Il n'est pas plus possible de mener un contre Mai 68 qu'un nouveau Mai 68, car la société comme réalité anthropologique et politique vivante, dotée d'un principe d'animation et d'organisation quasi-immanent, n'existe plus. Le camp conservateur et patrimonialiste s'échine à protéger la société du vent mauvais, en rêvant de rendre à cette dernière son lustre d'antan. Mais cette société ne craint plus rien – car cette société n'est plus rien.

La jeunesse ne s'y trompe pas, d'ailleurs. Les jeunes sont nombreux dans les défilés de la Manif pour tous et ses happenings-avatars. On les dit homophobes. C'est peu crédible – car ce sont des post-modernes biberonnés au relativisme ; ils représentent déjà une jeunesse post-sociale. Majoritairement catholiques, ils ne se sentent ni menacés, ni humiliés – même s'ils ne dédaignent pas manier la rhétorique de la victimisation. Religieux, ils pratiquent leur foi de manière décomplexée, sur le mode communautaire et réticulaire. Signe éloquent, ils sont joyeux. Pas seulement devant les caméras, pour faire "cool". Ils sont joyeux parce qu'ils sont bien dans "leurs baskets communautaires".
Pourquoi manifestent-ils, alors ? Vaste question. Pas pour des raisons politiques, au sens où ils seraient attachés au bien commun d'une polis, une cité. Par réaction émotionnelle, sans doute – ils manifestent comme ils partiraient au Darfour aider les enfants affamés. Par intérêt psychologique aussi – ils manifestent pour être ensemble, comme aux sanctuaires de Lourdes ou de Paray le Monial, comme aux Journées Mondiales de la Jeunesse. Et d'ailleurs, quand ils ont dû décliner différemment leur mobilisation sur le terrain, ils ont recréé leur biotope et sont devenus des "veilleurs" - ceux qui veillent, certes, mais aussi ceux qui participent à une veillée, rassemblement mi-festif, mi-spirituel, mi-mondain. Bref, pour reprendre à l'envers les mots de Péguy, ils sont en train de "dégrader" la politique en mystique.

Et les vieilles gens, alors pourquoi manifestent-elles ? Pour d'autres raisons. Plus simples, plus précises, plus politiques. Plus UMP et moins Pape François. Parce qu'elles voient vaciller autour d'elles les portraits de leurs ancêtres, et craignent qu'on les remplace par des posters de sodomites en tenue d'Eve. Mais ce ne sont pas les tableaux qui vacillent, ce sont les murs qui s'écroulent. A-t-on toujours besoin de murs, même pour se souvenir, même pour se soutenir, même pour appartenir ? "

[ Fin de la tribune libre de M. Grimpret ]
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Écrit par : PP / | 06/07/2013

SULFUREUX MAISTRE

> Le catholicisme de Joseph de Maistre n'était pas toujours d'une parfaite orthodoxie, c'est le moins qu'on puisse dire!
Et malgré son papisme échevelé, en dépit de l'interdiction faite par le Saint-Siège de toute adhésion à la franc-maçonnerie, il a été un membre engagé de plusieurs loges de l’Europe continentale. Son adhésion au rite écossais rénové, ses sympathies jamais démenties pour le martinisme, son amitié pour Willermoz et Saint-Martin ont d’ailleurs lourdement pesé sur ses choix théologiques.
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Écrit par : Blaise / | 06/07/2013

> la question n'est pas de savoir si Maistre était complètement "clean" du point de vue catho : mais de réfléchir sur ce terme bizarre de "contre-révolution" qui a fleuri en marge de LMPT dans les grands médias et sur les sites tradi. Si l'on confronte la référence prétendument "contre-révolutionnaire" de ces sites et les pratiques activistes qu'ils encouragent sur le terrain, on voit la contradiction interne. Ajouter du tapage au tapage n'est pas "contre-révolutionnaire" au sens maistrien.
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Écrit par : doctacumlibro / | 06/07/2013

L'IDOLE

> l'idole, c'est aussi tout ce droit qui constitue nos lois, nos règlements,le fondement de nos démocraties. Même pour être charitable, il faut faire attention de ne pas empiéter sur le droit français. Comme par exemple : sur le trop de temps donné qui tendrait à enfermer ce temps sous le couvert du mot "esclavagisme"; sur le trop donné financièrement aux autres, sous peine d'être taxé de "donation déguisée" et malhonnête. et je peux citer de nombreux exemples comme ceux-ci.
Bref, la première des bêtes immondes qui se cache sous les termes de l'idole, c'est déjà l'idéologie du "plus" de droit qui assèche l'esprit d'initiative, de liberté, et donc de charité.
Je partage entièrement ce point de vue; L'idole, se cache déjà derrière nos passions, surtout si ces passions nous enlève la vue (définitivement) de Dieu et de ses enfants.
La science et ses milliards dépensés dans des projets titanesques forcent notre admiration par ces découvertes, mais on ne mettra jamais autant de milliards pour sauver tous les hommes de la faim (ou de la soif).
C'est notre monde; ce sont aussi nos idoles, soyons honnête avec nous même; c'est aussi notre quotidien, reconnaissons le!.... Isaïe, par son livre historique et prophétique du VIIème siècle avant JC, nous remémore sans cesse cette critique du riche qui oublie le pauvre (et qui peine YWHW), du religieux qui oublie la charité (et son frère), de la femme embellie qui oublie ses propres enfants affamés. Bref, Isaïe reprend dans toute sa première partie, le "sale" tableau que constate Dieu, où finalement la colère de Dieu grandissait sourdement pour finir par exploser et se montrer au travers de la punition effroyable que fut la déportation à Babylone, la destruction de la grande Jérusalem ainsi que de son Temple.
Cela peut-il encore nous arriver?....oui, c'est évident.
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Écrit par : jean-christian / | 09/07/2013

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